Voici des textes importants et très intéressants qui traitent de cette question. Plus bas, vous trouverez aussi un ensemble de liens vers des articles intéressants.
Audition du card. Vingt-Trois à l'Assemblée Nationale
ROME, vendredi 30 novembre 2012 (Zenit.org) – « Sous prétexte d’égalité, le projet de loi, s’il est adopté, va donc susciter de nouvelles discriminations », fait observer le cardinal Vingt-Trois devant les députés français à propos du projet de loi gouvernemental sur « le mariage pour tous ». L’archevêque de Paris invite à la « prudence » devant une « une réforme aussi ambitieuse et hasardeuse ».
Voici le texte intégral de l’audition devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale française, du cardinal André-Vingt Trois, président de la Conférence des évêques de France, sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, jeudi 29 novembre 2012.
Intervention du card. Vingt-Trois :
Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Députés,
Plusieurs points méritent une attention particulière, dans la mesure où le projet de loi qui est soumis à vos suffrages ne vise pas simplement quelques aménagements marginaux du code civil concernant le droit de la famille mais un changement plus profond et radical qui touche à l’équilibre général des relations sociales, un nouveau modèle de société selon les propos de Madame la Garde des Sceaux.
Avant de vous présenter ces points d’attention, je voudrais soulever une question plus générale : le droit peut-il se contenter de régler des situations privées ? La législation sur la famille est-elle simplement un arbitrage offert pour éviter que les crises relationnelles ne deviennent excessivement violentes ou nocives pour les individus ? Je reconnais très volontiers que c’est une mission légitime du législateur que d’assurer les conditions pour que les crises familiales ne se transforment en désastres. Mais je redouterais que la législation se contente d’être l’aménagement des états de fait. Dans une société démocratique comme la nôtre, le législateur n’a pas simplement une fonction d’enregistrement et de légalisation d’une multitude de cas particuliers, qui sont nécessairement impossibles à élever au cas général qui normalement relève seul de la loi. La loi vise à une certaine universalité et doit normalement concerner le plus grand nombre des citoyens. L’idée que la légalisation de situations particulières pourrait être un moyen de leur donner une reconnaissance me semble un abus, en ce sens que le droit ne serait alors que l’habillage d’une promotion éthique. Il me semble qu’il conviendrait d’agir de manière très prudente dans ce domaine. On voit bien qu’un certain nombre de demandes et d’attentes ont pour but principal la reconnaissance officielle d’un statut particulier.
J’en viens maintenant aux points particuliers :
1. L’intention d’un dispositif pour plus d’égalité me semble reposer sur une confusion, dans la mesure où il n’y a ni inégalité ni injustice juridique dans les différences factuelles. Quels que soient les dispositifs législatifs, les partenaires de même sexe resteront dans l’incapacité d’accéder à la procréation qui suppose la bisexualité. Si bien que l’identité de situation restera à jamais impossible. Est-il très juste et honnête de laisser croire qu’un changement législatif va effacer les différences ? Qui sera encore déçu et insatisfait ?
2. Une nouvelle définition du mariage changerait pour tous la fonction sociale de cette institution en la transformant en reconnaissance de situations particulières et de sentiments personnels. Ce changement serait directement perceptible par chacun dans les modalités d’établissement de l’état-civil : déclaration, établissement des papiers, dénomination des parents, établissement et authentification de la filiation, etc. La privatisation de l’acte social qu’est le mariage produirait encore un affaiblissement supplémentaire de la cohésion sociale. La loi doit-elle s’engager dans la gestion des orientations et des sentiments particuliers, surtout pour une faible minorité ?
3. Toute la jurisprudence française des procédures d’adoption est fondée sur « l’intérêt supérieur de l’enfant. » Or, on est frappé ici par l’absence de référence aux conséquences prévisibles pour les enfants. Comme si le projet ne visait qu’à satisfaire les attentes des adultes, auxquels, par ailleurs, il semble reconnaître un « droit à l’enfant. » L’absence complète de référence aux droits de l’enfant, en particulier celui de connaître ses origines réelles et d’être élevé par ses parents, l’effacement complet de la référence biologique et symbolique au profit de la référence sociale déstabilisent les instruments d’identification de la filiation.
4. La question des aménagements légaux pour la gestion sereine des situations d’enfants de ménages homosexuels n’est pas posée avec clarté et précision. Aujourd’hui, la majeure partie de ces enfants ne sont pas des enfants adoptés, mais les enfants de l’un des partenaires et ils peuvent, par ailleurs, identifier leur deuxième parent ou connaître son existence.
5. Sous prétexte d’égalité, le projet de loi, s’il est adopté, va donc susciter de nouvelles discriminations. D’abord entre les enfants dont les statuts seront différents. Et on sait combien ces différences sont sensibles aux enfants. Les uns de famille hétérosexuelle, d’autres d’un ménage homosexuel, mais issus d’un couple hétérosexuel dissocié, d’autres encore purement et simplement adoptés sans identification de leur géniteur réel qui demeurera caché.
6. Une autre discrimination surgira inévitablement. L’intention exprimée d’un certain nombre d’élus et d’associations d’obtenir l’accès à la Procréation Médicalement Assistée aboutirait un jour ou l’autre, puisque l’on se situe dans la logique d’un droit à l’enfant. Or, la PMA serait nécessairement discriminatoire puisqu’elle ne serait accessible qu’aux femmes et non aux hommes. À moins que le législateur ne revienne sur l’indisponibilité du corps humain et ne s’engage dans la Gestation Pour Autrui avec ses dérives, déjà connues ailleurs, de marchandisation et d’aliénation des femmes. Il ne suffit pas de repousser cette question à un autre projet de loi pour y répondre.
7. Il ne semble pas que le projet ait envisagé la question, judiciairement si lourde, de la gestion des conflits familiaux, y compris le divorce.
Compte-tenu de l’ampleur et de la gravité des questions posées, il me semblerait plus prudent d’examiner à nouveau les possibilités légales de gérer les situations litigieuses sans entrer dans une réforme aussi ambitieuse et hasardeuse.
Extraits de la déclaration du Cardinal Vingt-Trois pour l'ouverture de l'Assemblée plénière des évêques à Lourdes
La crise économique atteint de plus en plus l'ensemble de notre société. Des entreprises ferment et la précarité s'étend. Des actes de violence barbares heureusement isolés, montrent l'extrême fragilité de notre tissu social et le désarroi de nombreuses familles qui ont besoin d'être soutenues et confortées dans leur mission éducative.
C'est dans ce contexte préoccupant que le gouvernement fait passer en urgence des mutations profondes de notre législation qui pourraient transformer radicalement les modalités des relations fondatrices de notre société. Des changements de cette ampleur imposaient un large débat national qui ne se contente pas d'enregistrer des sondages aléatoires ou la pression ostentatoire de quelques lobbies. Nous aurions été heureux, comme dans d'autres occasions, notamment pour les lois de bioéthique, d'apporter notre contribution à ce débat. L'élection présidentielle et les élections législatives ne constituent pas un blanc-seing automatique, surtout pour des réformes qui touchent très profondément les équilibres de notre société. Puisque ce débat n'a pas encore été organisé, nous voulons du moins exprimer un certain nombre de convictions et alerter nos concitoyens sur la gravité de l'enjeu.
Contrairement à ce que l'on nous présente, le projet législatif concernant le mariage n'est pas simplement une ouverture généreuse du mariage à de nouvelles catégories de concitoyens, c'est une transformation du mariage qui toucherait tout le monde. Ce ne serait pas le « mariage pour tous » (étrange formule qu'il ne faut sans doute pas prendre au pied de la lettre !). Ce serait le mariage de quelques-uns imposé à tous. Les conséquences qui en découlent pour l'état civil en sont suffisamment éloquentes : a-t-on demandé aux citoyens s'ils étaient d'accord pour ne plus être le père ou la mère de leur enfant et ne devenir qu'un parent indifférencié : parent A ou parent B ? La question fondamentale est celle du respect de la réalité sexuée de l'existence humaine et de sa gestion par la société. Alors que l'on prescrit la parité stricte dans de nombreux domaines de la vie sociale, imposer, dans le mariage et la famille où la parité est nécessaire et constitutive, une vision de l'être humain sans reconnaître la différence sexuelle serait une supercherie qui ébranlerait un des fondements de notre société et instaurerait une discrimination entre les enfants.
Que pouvons-nous faire ? Face à ces mesures qui menacent notre société, que pouvons-nous faire ? Que devons-nous faire ? Nous devons d'abord inviter à prier puisqu'il s'agit de provoquer et soutenir la liberté de conscience de chacun. Comme pasteurs de notre Église, il nous incombe d'éclairer les consciences, de dissiper les confusions, de formuler le plus clairement possible les enjeux. Comme évêques, nous nous efforçons d'être des interlocuteurs pour les responsables politiques et les parlementaires. Nous n'hésitons pas à faire appel à leur liberté de conscience pour des projets et des votes qui engagent plus qu'une simple alternance politique. Nous en appelons à leur sens du bien commun qui ne se réduit pas à la somme des intérêts particuliers.
Nous continuons d'appeler les chrétiens, et tous ceux qui partagent notre analyse et nos questions, à saisir leurs élus en leur écrivant des lettres personnelles, en les rencontrant et en leur exprimant leurs convictions. Comme citoyens, ils peuvent, et peut-être doivent, utiliser les moyens d'expression qui sont ceux d'une société démocratique, d'une « démocratie participative », pour faire connaître et entendre leur point de vue. Les sites de la conférence épiscopale et ceux de nos diocèses présentent toutes sortes d'arguments qui sont finalement assez connus. Une chose doit être claire : nous ne sommes pas dans une défense de je ne sais quels privilèges confessionnels. Nous parlons pour ce que nous estimons le bien de tous. C'est pourquoi nous ne mettons pas en avant la question du sacrement de mariage qui est une vocation particulière, mais la fonction sociale du mariage qui ne dépend d'aucune religion. Notre société est très sensible et vigilante sur le respect dû aux enfants. Elle attend de ses responsables qu'ils prennent la défense des plus faibles et qu'elle les protège. C'est pourquoi, dans cette période il est important de rappeler un certain nombre de droits fondamentaux, qui sont le fruit de la sagesse cumulée de notre civilisation et qui ont marqué sa sortie progressive de la barbarie. Chacun des droits et des impératifs éthiques qui en découle et que nous énonçons ici s'impose à la conscience morale des hommes, quelle que soit leur croyance religieuse ou leur incroyance. Aucune règle, et a fortiori aucune loi, ne pourra jamais nous décharger de notre responsabilité personnelle et des enjeux de notre liberté.
1/ Aucun être humain n'a le pouvoir de disposer de la vie de son semblable, à quelque stade que ce soit de son développement ou de son itinéraire et quels que soient les handicaps dont il peut être frappé ou la détérioration de son état de santé. Chacun de nous est responsable du respect de cet interdit absolu du meurtre et notre société doit s'employer à éliminer les manquements à cette obligation. Dès lors que le respect absolu de la vie humaine ne serait plus la règle défendue par la société, les individus entreraient dans une dynamique de suspicion et d'angoisse. Qui va décider si et jusqu'à quand je peux vivre, jusqu'à quel seuil de handicap, quel seuil de douleur, quel seuil de gêne pour les autres, quel coût pour la société ?
2/ Tout être humain conçu a le droit de vivre à quelque moment que ce soit de son développement. Celui et celle qui l'ont appelé à la vie en sont responsables et la société doit les soutenir et les aider dans l'exercice de cette responsabilité. Le respect de l'embryon participe de cette protection que la société doit aux plus faibles de ses membres. Alors que les recherches sur les cellules souches adultes donnent déjà lieu à des applications thérapeutiques et que le prix Nobel de médecine vient d'être attribué au Professeur Yamanaka et au Professeur Gurdon pour leurs travaux sur la reprogrammation des cellules différenciées en cellules pluripotentes, certains voudraient autoriser plus largement encore la recherche sur des cellules souches embryonnaires. De telles recherches restent moralement inacceptables et économiquement hasardeuses.
3/ Tout enfant venu au monde a droit à connaître ceux qui l'ont engendré et à être élevé par eux, conformément à la Convention Internationale relative aux droits de l'enfant ratifiée par la France en 1990 (article 7 /1 : « L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. »). Ce droit impose de ne pas légaliser les procréations anonymes qui rendent cet impératif impossible à tenir. Dans certaines situations exceptionnelles des personnes peuvent, pour le bien de l'enfant, assumer généreusement la responsabilité parentale. Elles ne peuvent jamais se substituer totalement à l'homme et à la femme qui ont engendré l'enfant.
4/ Tout enfant a droit à être éduqué. Cette obligation repose d'abord sur les parents qui sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants. La société doit les soutenir et les aider dans cette mission, aussi bien par les aides financières, qui reconnaissent leur apport pour un meilleur avenir de l'ensemble de notre société, que par des aides pédagogiques qui sont souvent très nécessaires.
L'obligation de l'éducation repose ensuite sur l'institution scolaire qui a la charge de transmettre les savoirs nécessaires à l'exercice de la liberté personnelle, mais aussi le devoir de développer chez les jeunes la reconnaissance et le développement d'un certain nombre de qualités morales sur lesquelles reposent le consensus social et l'apprentissage de relations respectueuses et pacifiques entre les membres du corps social. Nommer le bien et le mal fait partie de cette responsabilité collective.
5/ Les enfants ou les jeunes délinquants, quels que soient leur statut juridique : français, étrangers, en situation régulière ou non, ne doivent pas être traités par la seule incarcération. Dans une démarche éducative, la punition peut être nécessaire. Elle doit toujours avoir pour objectif la transformation positive de celui qui l'a méritée. Elle ne doit pas éluder les responsabilités des adultes dans le déclenchement, l'organisation ou l'exploitation de la délinquance : réseaux organisés de mendicité, institution du trafic de drogues, prostitution, pornographie publique, etc.
Pour terminer, je voudrais évoquer un droit qui concerne directement l'exercice de notre religion et qui, à ce titre, fait partie des éléments constitutifs de la laïcité, comme l'avait très bien compris et institutionnalisé J. Ferry. Il s'agit du droit des enfants à recevoir une formation chrétienne librement choisie par leur famille comme le complément de leur formation scolaire. Il est trop clair que nous ne sommes plus dans la même situation qu'à la fin du XIX° siècle. Mais puisque le ministre de l'Éducation Nationale veut entreprendre un réaménagement de l'ensemble du temps scolaire et qu'il souhaite le faire dans une pratique de la concertation, il serait assez étrange que cette concertation exclue la consultation de l'Église qui catéchise plus du quart des enfants de France. À ce jour, nous suivons avec intérêt la liste des organisations consultées. Nous attendons toujours de savoir quand et comment nous le serons.
Pour nous, cette question est primordiale puisqu'elle touche plus particulièrement les enfants dont les familles ont le moins de possibilités concrètes d'organiser le temps libre de leurs enfants. Ce sont ces enfants qui ont aussi souvent le plus de difficultés à trouver les chemins d'une bonne insertion sociale. Ils n'y seront pas aidés si le temps de la catéchèse devient une sorte de créneau négligé dans l'organisation du temps scolaire. Les enfants catholiques, comme ceux des autres religions, ont le droit de disposer d'un temps convenable pour cette formation.
Bien d'autres sujets auraient mérité notre attention. Certains seront abordés au cours de nos travaux. Nous aurions pu aussi échanger sur les visites ad limina. Mais nous le ferons avec plus de profit quand les trois groupes d'évêques auront terminé le cycle de ces visites. Ce qui ne nous empêchera pas d'échanger nos premières impressions de manière informelle.
Bon travail.
Communiqué des évêques de l'Est de la France
à l'occasion du projet de loi sur "le mariage pour tous"
Le 31 octobre prochain, le Conseil des ministres va se saisir du projet de loi visant àouvrir le mariage aux couples de même sexe. L'adoption de ce projet transformerait uneinstitution structurant la société depuis des siècles; ce qui ne peut laisser indifférent aucuncitoyen.
Des membres d'autres confessions chrétiennes, d'autres religions mais aussi des groupesde réflexion et des personnalités compétentes s'interrogent. Est-il possible de prendre une telle décision sans qu'un débat n'ait lieu à l'échelonnational ?
Les arguments qui veulent légitimer le mariage des couples de même sexe, reposent engénéral sur deux points : l'amour et la non-discrimination. Concernant la question de l'amour, nous comprenons que des personnes du même sexepuissent s'aimer. Mais alors faut-il institutionnaliser une forme particulière d’amour dans la société ? Si le mariage a été institué, c’est pour garantir la stabilité sociale et la filiation. Concernant le second point, celui de la non-discrimination, il faut rappeler que lemariage a toujours été compris comme l'union d'un homme et d'une femme (cf. article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme). Permettre le mariage de personnes dumême sexe, c'est donc changer la définition du mariage lui-même. Une des conséquences concrètes, déjà prévue dans le projet de loi, que nous nemesurons peut-être pas encore, c'est le remplacement de la notion de "père" et de "mère" dansl'état civil au profit des notions artificielles et finalement discriminatoires de "parent 1" et de"parent 2". Dans une société déjà déstabilisée, en quête de repères, avons-nous besoin de porteratteinte à la famille, cellule structurante de la société, et au rôle fondamental du père et de lamère ? Le grand oublié de ce projet n'est-il pas l'enfant ? En voulant donner le "droit àl'enfant" à certains, n'en vient-on pas à nier les droits de l'enfant lui-même ? Nous renouvelons notre appel aux responsables politiques du pays, afin qu'un largedébat ouvert et serein puisse avoir lieu sur ce sujet fondamental. Nous encourageons toutes lesinitiatives constructives de nos concitoyens en ce sens. Nous appelons les membres de noscommunautés à apporter leur contribution à ce débat.
Besançon, le 17 octobre 2012
Mgr André Lacrampe, archevêque de Besançon Mgr Jean-Pierre Grallet, archevêque de Strasbourg Mgr Vincent Jordy, évêque de Saint-Claude Mgr Jean-Paul Mathieu, évêque de Saint-Dié Mgr François Maupu, évêque de Verdun Mgr Jean-Louis Papin, évêque de Nancy Mgr Pierre Raffin, évêque de Metz Mgr Claude Schockert, évêque de Belfort Montbéliard Mgr Vincent Dollmann, évêque auxiliaire de Strasbourg Mgr Christian Kratz, évêque auxiliaire de Strasbourg
Dossier du Journal Lacroix du 6 novembre
Les arguments de l’Église catholique contre le mariage entre personnes de même sexe
Pourquoi l’Église s’oppose-t-elle au mariage entre personnes de même sexe?
La première raison avancée est anthropologique: le mariage est à ce jour l’institution qui permet d’articuler conjugalité et procréation. «Contrairement à une idée à la mode, il n’est pas seulement une célébration sociale de l’amour’» , rappelle le philosophe et théologien moraliste Xavier Lacroix. «Anthropologiquement et universellement, il est la fête organisée autour de l’union d’un homme et d’une femme qui ensemble s’engagent à fonder une famille. Supprimez, dans son principe même, les notions d’homme et de femme, supprimez la fondation d’une nouvelle famille, et il ne vous reste plus que le couteau sans lame dont on a perdu le manche…»
L’Église part aussi d’une réflexion sur le rôle de la loi civile. Juridiquement dit-elle, si la société s’est intéressée au sentiment amoureux, c’est avant tout en vue de l’intérêt général: «Parce que le mariage sécurise la relation entre les époux en vue de la stabilité des familles, condition de la transmission de la vie et de l’éducation des futurs citoyens», complète le philosophe catholique Thibaud Collin. À l’inverse, si l’on ne conserve du mariage que «la sincérité et l’authenticité du lien amoureux», on tombe dans «une vision très individualiste du mariage qui n’est pas celle du droit français», relève le texte du Conseil Famille et société de la Conférence des évêques (1).
Plus largement, rappelle l’Église, le mariage est une institution, et pas seulement un contrat qu’on pourrait défaire pour un oui ou un non: dès lors qu’on y touche, on porte atteinte à l’organisation même de la relation entre les hommes et les femmes, entre les générations, à la structure symbolique de la société. Autrement dit, si la loi vient à définir le mariage comme l’union de deux hommes, de deux femmes, ou d’un homme et d’une femme au choix, la richesse que représente l’altérité homme/femme sera «passée sous silence» dans les rapports individuels comme dans les rapports collectifs et la différence entre les deux, au regard de la procréation naturelle, sera «gommée ou jugée non pertinente pour la société», s’inquiète la commission Famille et société.
L’Église invoque aussi dans ce débat l’argument de la justice, et notamment le souci du bien des plus petits et des plus faibles. Garant de la justice, l’État doit protéger l’institution qui organise la structure symbolique de la société, mais aussi les conjoints du couple (les femmes, le conjoint délaissé…), ainsi que les enfants. Sur ce point, note encore Thibaud Collin, la balance n’oscille pas entre «d’un côté, les couples de même sexe et de l’autre les couples de sexe opposé, mais d’un côté les adultes, et dans l’autre plateau, les enfants à venir. Peut-on leur faire porter le poids du choix de certains adultes?»
(1) Élargir le mariage aux personnes de même sexe? Ouvrons le débat! septembre 2012.
Pourquoi lier mariage et procréation?
Quand deux être humains s’unissent sexuellement dans la différence et la complémentarité des sexes, ils aspirent à la fécondité et à la procréation. «Ce n’est pas l’Église qui lie les deux, c’est la nature humaine», assure le P. Dominique Foyer. Pour ce docteur en théologie et professeur à l’Université catholique de Lille, l’originalité chrétienne est seulement d’y reconnaître «une expression particulièrement forte de la présence de Dieu qui a noué alliance avec l’humanité. La “pro-création” continue et accomplit l’acte de la Création.»
Le théologien et moraliste Xavier Lacroix rappelle aussi que c’est ce lien qui fonde la filiation et en garantit le mieux la lisibilité. «Certes, il existe des couples sans enfants, des enfants nés hors mariage. Mais le mariage reste le meilleur cadre institutionnel pour cet accueil par le biais de la présomption de paternité.» La preuve? À la mairie, c’est un livret de famille (et non de couple) qui est remis aux jeunes mariés.
Pourtant, certaines évolutions sociétales comme pastorales peuvent sembler remettre en cause le lien entre mariage et procréation. L’Église reconnaît ainsi comme «familles» les couples sans enfants. Elle valorise aussi leur «fécondité» autre que biologique. Surtout, l’Église comme l’État marient des personnes à un âge avancé, dans l’impossibilité de procréer. Toutefois, ces cas particuliers ne remettent pas en question le sens de l’institution, qui ménage toujours une place pour l’enfant, selon Xavier Lacroix.
En revanche, si le mariage devient l’union de deux hommes, de deux femmes, ou d’un homme et d’une femme au choix, la procréation sera fondamentalement coupée de la conjugalité. Et symboliquement, on perd de vue une loi anthropologique fondamentale, que relève le texte du Conseil Famille et société: «Ces données incontournables de la filiation, qui s’imposent à chacun, viennent rappeler à l’homme qu’il n’est pas tout-puissant, qu’il ne se construit pas tout seul, mais qu’il reçoit sa vie des autres, d’un homme et d’une femme (et pour les croyants, d’un Autre).»
Pourquoi l’Église privilégie-t-elle les arguments anthropologiques plutôt que religieux ?
D’une part, parce qu’en matière de morale, les arguments ne peuvent être exclusivement religieux. «Un chrétien considère que les réalités humaines sont bonnes car venant de Dieu, mais qu’elles sont aussi accessibles à la raison humaine. Il y a une convergence profonde entre les deux, entre foi et raison», relève Thibaud Collin, philosophe.
Ainsi, dans ce débat, «soit on vit la différence sexuelle comme un simple donnée, soit, dans une lumière théologique, on ajoute que cette différence est donnée par Dieu, mais, dans les deux cas, elle demeure fondamentale pour vivre la communion des personnes et donner la vie». Pour défendre ces biens qu’elle considère comme fondamentaux, l’Église veut dès lors contribuer à un débat rationnel, comme elle l’a fait durant les états généraux de la bioéthique. Convaincue qu’en prenant part au débat public, et même si ses arguments ne sont pas entendus, elle sert l’humanité et continue «l’œuvre du Christ qui est de servir» (Gaudium et spes n° 3).
D’autre part, l’Église veut être entendue dans une société laïque et sécularisée. «Elle montre par là qu’elle est un acteur parmi d’autres du bien commun, et que ses arguments sont partageables», souligne Sœur Véronique Margron, dominicaine, professeur de théologie morale à la faculté de théologie de l’Université catholique de l’Ouest.
Cela dit, utiliser des arguments anthropologiques est, à ses yeux, à la fois «une force et une faiblesse». Deux risques, de fait, se présentent à l’Église : apparaître comme une institution humaine comme une autre et, dans un contexte post-moderne, se voir contester son anthropologie fondée sur la loi naturelle qu’elle et les autres religions sont assez seules à défendre…
Quelle est la spécificité du mariage pour l’Église?
En tant que sacrement, le mariage religieux a bien évidemment une originalité propre pour l’Église. Mais, dans ce débat politique, il n’y a, pour elle, pas lieu de discuter du mariage religieux ni de ses liens avec le mariage civil. L’Église se place ici comme l’avocate du mariage civil, tel qu’il existe aujourd’hui. «À travers le mariage civil, la société reconnaît et protège aussi la spécificité de ce libre engagement de l’homme et de la femme dans la durée, la fidélité et l’ouverture à la vie», souligne le Conseil Famille et société.
En défendant fermement la spécificité du mariage comme union d’un homme et d’une femme, par rapport à d’autres formes d’union civile, l’Église pourrait sembler se rallier au pacte civil de solidarité (pacs), auquel elle s’est opposée fermement lors de sa création en 1999. À vrai dire, elle ne soutient pas cette mesure comme telle. «L’Église s’est opposée au pacs il y a dix ans justement pour éviter qu’il rende possible la revendication actuelle. Dès lors qu’on ouvrait cette brèche, c’était évident que se posait la question du mariage et de la filiation. Aujourd’hui, évidemment, puisque le pacs a été entériné, il vaut mieux le maintenir que d’avaliser le mariage. Mais la position de fond de l’Église n’a pas changé», analyse Thibaud Collin.
Pourquoi l’Église est-elle contre l’adoption par des couples homosexuels?
Outre une demande de «reconnaissance» de leur couple via le mariage, une partie des personnes homosexuelles souhaite également pouvoir adopter des enfants. En tout état de cause, dans l’état de notre législation, le mariage donne accès à l’adoption.
Cette autre revendication pose un problème de fond à l’Église et, là encore, pour des raisons anthropologiques. Ainsi, selon le théologien Xavier Lacroix, elle priverait des « milliers d’enfants » de trois biens élémentaires: «La différence sexuée entre leurs deux parents, la continuité, ou au moins l’analogie, lorsque cela est possible, entre le couple procréateur et le couple éducateur, et, enfin, une généalogie claire et cohérente, lisible.»
Certes, la décision de la France, face au nombre d’orphelins et de veuves dans les années d’après-guerre, d’accorder aux personnes célibataires le droit d’adopter (1966) est une sérieuse entorse à ce principe. «Une famille réduite à un seul parent n’est pas l’idéal!», rappelle le P. Foyer, qui précise: Avec d’autres – psychologues et représentants du monde de l’adoption notamment –, l’Église catholique défend l’idée selon laquelle la «vérité biologique» est un bien auquel chaque enfant a droit. Si la loi venait à affirmer que l’enfant a deux pères ou deux mères, elle remettrait en question la définition de la filiation et de la famille pour tous, elle affirmerait une fiction. «L’État ne peut pas faire croire que ces enfants auraient pu naître de ces parents», résume Sœur Véronique Margron.
Au lieu de supprimer une discrimination qui n’existe pas entre les couples – les couples de même sexe ne sont pas dans la même situation que les couples de sexe opposé –, cette mesure en créerait une entre les enfants, avance même Xavier Lacroix. Certains auraient droit à un père et une mère, et d’autres non. «Il y a une différence entre prévoir un aménagement pour veiller au bien de l’enfant et instituer cette situation. La loi va déjà suffisamment loin pour régler les problèmes d’autorité parentale dans les couples homosexuels», souligne-t-il, en réponse à l’argument selon lequel l’adoption par une personne homosexuelle de l’enfant de son conjoint «sécuriserait» ce dernier.
Cette discrimination porterait du reste aussi sur les couples de sexe opposé. «En introduisant des mentions “parent 1” et “parent 2” sur le livret de famille, pour ne pas discriminer les couples de même sexe, on va discriminer les couples de sexes opposés qui ne pourront plus se déclarer père et mère», regrette ainsi Sœur Margron.
Que dit l’Église de l’homosexualité?
Il faut d’abord rappeler qu’il ne s’agit pas, ici, d’un débat sur la nature de l’homosexualité en tant que telle. Mais il est vrai que la position de l’Église sur le sujet intervient en toile de fond. Or, elle s’inscrit dans sa conception plus globale de la sexualité. Pour l’Église catholique, la sexualité humaine ne prend son sens le plus profond que dans un don de soi pour toujours et dans l’ouverture à la vie. Le mariage étant l’institution qui permet de sécuriser le mieux cet engagement. C’est dans cette optique qu’elle désapprouve les relations sexuelles hors mariage, parmi lesquelles les relations homosexuelles.
Concernant l’homosexualité à proprement parler, l’Église catholique reconnaît que l’orientation sexuelle des personnes, dans la plupart des cas, n’est pas choisie. Elle fait nettement la distinction entre actes et «tendances». Elle ne condamne pas les homosexuels, mais rappelle au contraire, dès 1975, dans le document Persona Humana de la Congrégation pour la doctrine de la foi (1), qu’ils «doivent être accueillis avec compréhension et soutenus». Mais le texte dit aussi que les actes homosexuels, en revanche, sont réprouvés car «dépourvus de leur règle essentielle et indispensable», c’est-à-dire que la sexualité puisse être vécue dans l’ouverture à la vie et dans le don de soi dans la durée. Position reprise en 1992 par le Catéchisme de l’Église catholique, selon lequel, ce sont des actes «intrinsèquement désordonnés», «contraires à la loi naturelle», qui «ferment l’acte sexuel au don de la vie», «ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable» et «ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas».
Le texte du conseil famille et société des évêques de France ouvre cependant une porte, en reconnaissant la valeur de l’amour qui peut lier deux personnes de même sexe: «Nous pouvons estimer le désir d’un engagement à la fidélité d’une affection, d’un attachement sincère, du souci de l’autre et d’une solidarité qui dépasse la réduction de la relation homosexuelle à un simple engagement érotique». Toutefois, «cette estime ne permet pas de faire l’impasse sur les différences».
Autrement dit, pour l’Église, expliquait le théologien Xavier Thévenot (2), l’orientation homosexuelle est, par rapport à l’orientation hétérosexuelle, une forme de «limite objective», la signification profonde du corps sexué, qui va jusqu’à l’ouverture à la vie, ne pouvant être vécue jusqu’au bout. Le désir homosexuel n’a pas le même sens que le désir hétérosexuel et ne peut donc prétendre à s’inscrire dans le cadre du mariage. Cette limite, toutefois, «loin de faire de l’homosexuel un sous-homme, peut être assumée et régulée par lui de façon telle qu’elle peut être l’occasion de faire grandir sa personnalité d’homme et de croyant. Ainsi verra-t-on des homosexuels dont la vie globale pourra devenir signe pour des hétérosexuels qui mésusent de toutes les richesses de leur orientation sexuelle».
Cette frontière posée entre l’orientation (non voulue) et les actes (volontaires et condamnables) n’en reste pas moins difficile à faire entendre dans notre société, puisqu’elle ne peut proposer aux personnes homosexuelles que de vivre leur désir sous le mode d’une amitié chaste. «L’Église ne demande pas aux personnes homosexuelles (et aussi aux hétérosexuelles non mariées) de vivre d’emblée dans une chasteté et une continence parfaites, précise le P. Foyer, mais au moins de croire que c’est possible et d’essayer de vivre cela.»
(1) Déclaration Persona Humana: sur certaines questions d’éthique sexuelle. Congrégation pour la doctrine de la foi, 29 décembre 1975. (2) Repères éthiques pour un monde nouveau, Salvator, 1985
Autres confessions chrétiennes
Dans une déclaration, le 13 octobre dernier, la Fédération protestante de France (FPF) estime que le projet de « mariage pour tous » porté par le gouvernement « apporte de la confusion dans la symbolique sociale et ne favorise pas la structuration de la famille » . « Il n’est pas question de morale, mais d’anthropologie et de symboles. » Le texte souligne le rôle social du mariage, qui ne doit pas se limiter à une « fête de l’amour », mais contribuer à « structurer les relations en symbolisant la différence entre générations, entre les sexes, entre épousables et non épousables » . La Fédération se prononce par ailleurs fermement contre toute « intolérance » à l’encontre des personnes homosexuelles et soutient « leur demande de sécurité juridique accrue » . Pour son président, le pasteur Claude Baty, « concernant la filiation, il y a un espace de dialogue dans lequel nous souhaitons nous engouffrer » .
Au sein de la Fédération, l’Église réformée de France (ERF) a mis en place un groupe de travail dirigé par la théologienne Isabelle Grellier, dont les résultats seront publiés fin 2013. Un autre groupe, avec des membres de l’ERF, de l’Union de l’Église réformée d’Alsace et de l’Église de la Confession d’Augsbourg d’Alsace (UEPAL), travaille quant à lui sur une proposition de bénédiction des couples homosexuels. Le Conseil national des évangéliques de France s’est pour sa part clairement opposé à cette réforme « et à ses conséquences sur la parentalité » en dénonçant « un mauvais choix de société ».
L’Assemblée des évêques orthodoxes a de son côté publié, le 2 octobre, une prise de position soulignant l’importance de la complémentarité homme-femme.
« Le mariage est une institution traditionnelle pluriséculaire qui structure société, famille et relations interpersonnelles », affirme l’AEOF. Le mariage renvoie à « une communion fondée par le Créateur, bénie par le Christ et dont la fin est double : participer avec Dieu à son œuvre créatrice tout en approfondissant l’union d’amour et de service mutuel entre un homme et une femme » . Les évêques mettent également en avant la dimension « sociétale » du mariage, qui ne saurait selon eux être dissociée de la notion de couple, de conception de la famille, de filiation, d’adoption, d’éducation des enfants, d’altérité, ou encore de régimes matrimoniaux.
Le judaïsme
MartInE dE sauto
Dans un livre publié en mars dernier, N’oublions pas de penser la France (Stock), Gilles Bernheim, grand rabbin de France et porte-parole du judaïsme français dans sa dimension religieuse, mettait en garde : « L’alignement du couple homosexuel sur le couple hétérosexuel – avec le droit qui ne saurait manquer d’être accordé in fine aux homosexuels d’adopter et d’élever des enfants – pourrait-il conduire à autre chose qu’un effacement symbolique de la différence des sexes, dans une grave méconnaissance de la spécificité du couple homme-femme, et au risque bien réel de priver des enfants d’un droit essentiel, celui d’avoir un père et une mère et non un parent 1 et un parent 2 ? »
Dans son essai Mariage homosexuel, homoparentalité et adoption : ce que l’on oublie souvent de dire, publié le 17 octobre (1), il interroge plus avant le projet de loi, en précisant que « l’enjeu n’était pas l’homosexualité », mais « le risque irréversible » d’un brouillage des généalogies, des statuts, des identités : « La sexuation comme donnée naturelle serait dans l’obligation de s’effacer devant l’orientation exprimée par chacun au nom d’une lutte contre les inégalités, pervertie en éradication des différences. » Ce brouillage, note-t-il, serait préjudiciable « à l’ensemble de la société, perdant de vue l’intérêt général au profit de celui d’une infime minorité ». Se référant à la Genèse, il montre enfin en quoi les théories sousjacentes, qui cherchent à nier la différence sexuelle, s’opposent radicalement à la vision biblique de la complémentarité hommefemme.
En septembre, Joël Mergui, président du Consistoire central israélite de France, s’interrogeait, lui, sur une loi « qui changerait le modèle naturel de la famille » et « remettrait en cause nos rapports à la parenté » .
S’appuyant sur la signification théologique de la différence des sexes, et considérant celle-ci comme un élément essentiel de l’identité humaine, l’islam condamne l’homosexualité et rejette le mariage homosexuel. Dès février 2007, à Lyon, avec le cardinal Philippe Barbarin et le grand rabbin Richard Wertenschlag, le recteur de la mosquée, Kamel Kabtane, prenait position contre le mariage et l’adoption par des couples homosexuels.
« L’islam n’autorise pas le mariage entre deux personnes de même sexe » , a redit en septembre Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM). Dans la tradition musulmane, le mariage est « un pacte fondé sur le consentement mutuel en vue d’établir une union légale et durable, entre un homme et une femme, et ayant pour but de fonder une famille stable » . De son côté, Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris, estime qu’ « il faut s’abstenir de juger » les personnes homosexuelles : « Nous n’avons pas à intervenir dans les lois de la nature. L’être est comme il naît. Seul Dieu crée et juge. » Mais il a vivement réagi après une union homosexuelle célébrée en présence d’un imam, en février, en Seine-Saint-Denis : c’ « est un acte volontaire qui écarte ces deux hommes des valeurs de l’islam », a-t-il déclaré.
Le bouddhisme
C.LE.
« Si vous n’avez pas de religion et désirez avoir des rapports sexuels avec quelqu’un du même sexe, d’un commun accord, sans qu’il y ait viol ni abus d’aucune sorte, et si vous y trouvez une satisfaction non violente, je ne vois rien à y redire », expliquait le dalaï-lama en mars 2009. « Mais il n’est pas juste non plus de dénigrer systématiquement les religions qui proscrivent l’inconduite sexuelle, simplement parce que cela ne correspond pas à nos idées ou à nos façons de faire » , soulignait-il.
Dans le bouddhisme, l’essentiel est de rester maître de soi, de ne pas se laisser dominer par ses sens ou ses passions. « Si le désir sexuel nous domine et que nous voulons toujours plus, ce but n’est jamais atteint, et au lieu de trouver le bonheur nous trouvons la souffrance » , expliquait encore le dalaï-lama. Selon les textes fondamentaux du bouddhisme, il y a dix actes nuisibles à éviter, dont « l’inconduite sexuelle » , celle-ci désignant surtout l’adultère, mais incluant aussi l’homosexualité et la masturbation. Pour bon nombre de bouddhistes, la légalisation du mariage homosexuel ou de l’homoparentalité étant du ressort du seul domaine du droit civil, on ne peut y répondre qu’en tant que citoyen, non en tant que bouddhiste.
Journal Lacroix du 6 novembre 2012
Le bureau exécutif du conseil français du culte musulman (CFCM), réuni mardi 6 novembre 2012, a adopté un texte de son président, Mohammed Moussaoui, intitulé À propos du projet de loi « Mariage pour tous » .
Le texte, long de cinq pages, rappelle en préambule que « le mariage fait l’objet d’un encadrement particulier dans la jurisprudence musulmane, comme en témoignent les nombreux textes coraniques et traditions prophétiques qui traitent des questions du statut personnel et de la famille ». « Il ressort de ces textes que le mariage, selon la religion musulmane, est un pacte fondé sur le consentement mutuel en vue d’établir une union légale et durable (Coran 4.21), entre un homme et une femme ». De ce fait, « la non-conformité du “mariage homosexuel” avec les principes de la jurisprudence musulmane fait l’unanimité au sein de toutes les écoles juridiques musulmanes », écrit Mohammed Moussaoui.
C’est surtout en raison des changements qu’il induirait en matière de filiation et sur « le sens » de cette institution que le président du CFCM critique le projet de loi. « Ce pacte entre un homme et une femme crée une relation de filiation réelle et structurante non seulement de la relation de l’individu avec ses ascendants et ses descendants, mais également de sa relation avec les autres membres de la société », note-t-il en effet.
« Le projet de loi portant sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe n’est pas une simple extension d’un statut réservé aujourd’hui à des couples hétérosexuels, il s’agit de transformer profondément une institution millénaire qui a permis à l’humanité de continuer à exister et à s’organiser avec des repères clairs, en harmonie avec la création tout entière : “Nous avons créé de toute chose deux éléments de couple (mâle-femelle), peut-être vous rappelez-vous” (Coran 51.49) ».
Principe de laïcité
Le CFCM prend bien soin de rappeler que « compte tenu du principe de laïcité qui tient compte de la diversité et de la pluralité des religions et des convictions au sein de notre société », il est conscient « que les règles et les normes d’une religion ne peuvent être mises en avant pour s’opposer ou se soustraire aux normes et aux règles de la République qui s’appliquent à tous ». Il réaffirme également sa condamnation « ferme » de « tout acte homophobe ». Il entend toutefois « contribuer, dans cet esprit, aux débats démocratiques et à l’évaluation des choix projetés pour notre modèle sociétal ».
Constatant que le gouvernement comme les associations de personnes homosexuelles s’appuient sur le principe d’égalité, le président du CFCM, Mohammed Moussaoui, réfute, lui, cet argument. « Le principe de l’accès sans discrimination à une institution ne peut être dissocié de la mission assignée à cette institution. C’est les conditions de l’accomplissement de cette mission qui déterminent les qualités requises pour les candidats qui souhaitent y accéder », rappelle-t-il, en soulignant que la mission du mariage « est aussi la fondation d’une famille stable sous la direction des deux époux ».
« Le fait que deux personnes de même sexe puissent déployer tous les moyens pour donner à un enfant de l’amour et de l’affection, ne peut être un argument pour relativiser une donnée anthropologique et psychologique fondamentale qu’est le besoin d’un enfant d’avoir une filiation réelle issue d’une mère et d’un père », note le texte.
D’autres problèmes éthiques
Enfin, « d’autres problèmes éthiques à ne pas sous-estimer peuvent resurgir via la question du mariage », poursuit-il, en citant la « présomption de paternité », qui existe aujourd’hui au sein des couples mariés, l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA), ou encore le débat sur la gestation pour autrui.
« Au nom du principe d’égalité et d’équité, pourquoi imposer aux couples hétérosexuels et à leurs enfants la suppression des mentions (père et mère) dans leur état civil lorsqu’on sait que cette suppression aurait forcément un impact sur leurs sentiments, leur identité et leur vie quotidienne ? », s’interroge également Mohammed Moussaoui.
Enfin, considérant le nombre « très réduit » de couples homosexuels concernés par ce projet de loi, il s’interroge sur l’opportunité d’introduire « une évolution importante dans la vie en société avec le risque d’ouvrir un débat passionnel qui divise au moment où il y a nécessité de concentrer les efforts de tous sur les priorités et les défis importants qui se présentent à notre pays ».
Auditionné à la mi-octobre par le groupe UMP à l’Assemblée nationale, Mohammed Moussaoui avait constaté que « le projet était présenté comme un moyen de lutter contre une discrimination ». Il s’était toutefois demandé s’il n’y avait pas, au nom de l’égalité revendiquée pour tous, « une confusion entre l’égalité et la similitude. Deux personnes peuvent être égales mais non semblables, ou être semblables mais non égales ».
Eglise Catholique, Orthodoxe, Protestante, Juive et Musulmane. Les bouddhistes laissent chacun à sa libre réflexion mais s'interrogeant sur des "demandes égoïstes"